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Contexte

Le phénomène du décrochage scolaire est une préoccupation pour de nombreux pays et prend des contours différents suivant les pays. Le décrochage en 2009 concerne 6 millions de jeunes, soit un taux moyen dans l’UE de 14,4 %[1]. C’est pourquoi, les questions prioritaires dans le domaine de l’éducation et de la formation font l’objet d’objectifs chiffrés. L’Union Européenne souhaite avec la mise en place de la «  stratégie Europe 2020 » réduire le taux du décrochage en dessous de 10%. La France ayant un taux supérieur à ce seuil, en fera de ce fait, à travers les politiques publiques éducatives une de ses priorités nationale.

Le décrochage émerge à la suite du phénomène de l’échec scolaire, qui est apparu dans les années 60 et qui a été traité, notamment, par le sociologue V. Isambert-Jamati.

Cependant, la problématique du décrochage scolaire apparaît entre 1990 et 2000. Un des premiers ouvrages consacrés à ce sujet est écrit par M.-C. Bloch et B. Gerde, les lycéens décrocheurs : de l’impasse aux chemins de traverse, 1998, Chroniques sociales.

A ce jour, près de 140 000 élèves quittent le milieu scolaire sans qualification de niveau V (CAP OU BEP) ou IV (baccalauréat).

La résultante de ce phénomène entraîne des conséquences négatives sur le plan individuel et sociétal. En effet, dans une société où l’économie est désormais bâtie sur le savoir et où la concurrence entre les entreprises est accrue, les individus qui ne possèdent pas de qualifications minimales sont appelées à être exclues du marché du travail. La compétitivité des entreprises et le développement croissant des technologies de l’information et de la communication suscitent les sociétés à recourir à une main-d’œuvre spécialisée, compétente et apprenante. C’est pourquoi, il devient nécessaire de remobiliser les élèves qui sont en situation de décrochage, ce que l’on appelle « les décrochés de l’intérieur[2] ».

Cette dernière situation nous intéresse car à ce stade les élèves en difficulté scolaire sont toujours présents sur les bancs de l’école. Or, si on considère les propos recueillis par Marie Christine Jeanniot en 2006[3], du sociologue Georges Felouzis qui affirme que « La réussite d’un élève ne dépend pas que de lui. Son établissement le porte ou l’enfonce », il serait alors, intéressant de mieux les repérer pour que les acteurs du système scolaire puisse les aider à trouver du sens aux enseignements qu’ils reçoivent. Cela contribuerait à limiter, sans doute les sorties précoces.

 

[1] Ifé, Dossier : Le décrochage scolaire, une question complexe, [en ligne] http://ife.ens-lyon.fr/ife/institut/aqe/archives/02/dossier, (consulté le 9/04/14)

[2] D. Glasman (1998/2000), Le décrochage scolaire : une question sociale et institutionnelle, in Bloch & Gerde (1998), repris in V.E.I – Enjeux n° 122, pp. 12-25

[3] Marie Christine JEANNIOT, Enseignement Catholique Actualités, n°301, février 2006 ; consultable sur http://cle.formiris.org/?page=document&docID=282

 

Le décrochage scolaire, une réalité complexe à définir

Le décrochage scolaire est un processus multifactoriel, produit par l’interaction de facteurs externe et internes au système scolaire, ainsi que de facteurs propres à l’élève.
Ce processus progressif se construit dans le temps et commence souvent dès le primaire, avec des moments de rupture connus. Ainsi par exemple, l’entrée au CP avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont des indicateurs fondamentaux des capacités d’adaptation et cognitives de l’élève. Les difficultés scolaires identifiées déjà à ce stade peuvent avoir des conséquences négatives sur le parcours de l’élève. En effet, même lorsqu’un redoublement est conseillé le chercheur Thierry Troncin, précise « que les élèves ayant redoublé en CP resteraient fragiles : d’après des statistiques nationales, seul un élève redoublant en CP sur dix obtiendrait son bac ». C’est pourquoi, si une prise en charge individualisé n’est pas proposé à l’élève le plus tôt possible les difficultés risquent de s’amplifier au cours de la scolarité jusqu’à parfois l’abandon scolaire. Autre exemple de situation de rupture : l’orientation (fin de 3ème et de 2nd) l’affectation, parfois non choisie constitue une des causes de désengagement de l’élève.
Cependant, cette prise en charge de l’élève en situation de décrochage, pose sur le terrain la question du repérage qui n’est pas toujours facile à identifier par les acteurs de la communauté éducative.
Néanmoins, certains indices peuvent nous y aider. Parmi les facteurs internes nous trouvons le climat scolaire, le redoublement, l’orientation, l’organisation et les modalités d’évaluation des élèves, l’effet-enseignant, l’effet-classe, …
Quant aux facteurs externes à l’école, la catégorie socio-professionnelle de la famille, l’environnement géographique (résidence et établissement de l’élève), les problèmes familiaux (divorce, santé, les soucis financiers,…), etc.
Enfin, concernant les caractéristiques propres de l’élève, les aspects psychologiques et cognitifs de l’individu, sa motivation, son estime de soi, ses problèmes de santé ou de handicap, son comportement (les retards et/ou les absences), … sont autant d’indicateurs à l’origine des causes du décrochage de l’intérieur.
Après ce bref rappel, concernant la complexité du processus de décrochage scolaire, le site du ministère EDUSCOL nous donne une définition officielle de ce qu’est le décrochage. Celui-ci « est un processus qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu’à le quitter avant d’avoir obtenu un diplôme ». Ainsi, est considéré décrocheur : « Tout jeune qui quitte un système de formation initiale, sans avoir le niveau de qualification minimum requis par la loi (…) ». Par extension, il s’agira aussi : « d’un jeune qui risque de quitter le système de formation initiale sans avoir obtenu de diplôme de niveau V (BEP ou CAP) ou de niveau supérieur », (Les dossiers des déchiffreurs de l’éducation, 2012).

Exercice d’application

Qu’est-ce qu’un décrocheur de l’intérieur ?

 

Les facteurs de risque du décrochage et ses conséquences pour l’élève

Étant donné les conséquences du décrochage sur l’individu et la société, les facteurs de risque, doivent être mieux connus des professionnels de l’intervention (enseignants, CPE, infirmière, directions des écoles, etc.).

Certains facteurs de risque tels les caractéristiques psychologiques de l’élève sont à prendre en compte car comme le souligne Henri Danon-Boileau : « On sait comment l’adolescence marque une époque spécifique de maturation de la personnalité dans un climat de mutation volontiers bruyantes, d’investissements et désinvestissements massifs, soudains, souvent incompréhensibles ou inacceptables par l’entourage, oppositions, emballements, ou refus qui traduisent les efforts d’un être en devenir, en quête de son identité[1] ». Dès lors, il nous semble indispensable d’avoir constamment à l’esprit cet aspect essentiel de la construction de la personne si l’on veut accompagner l’élève, car les désinvestissements qu’évoque l’auteur sont une des résultantes constatés sur la scène scolaire, en termes de décrochage de l’intérieur, notamment.

Rappelons que pendant la puberté, l’enfant est en quête de repères extérieurs à lui-même, qui peuvent l’aider à être soi. Pendant cette phase, ses besoins vitaux sont de l’ordre de l’affectif et de l’émotionnel plus que de l’ordre du cognitif. En effet, les pulsions sexuelles suscitent des besoins nouveaux chez l’adolescent, comme le souligne Anna Freud et Mélanie Klein, et les transformations somatiques déstabilisent l’image du corps. Il est donc confronté à une série de pertes ou d’éléments nouveaux. Cette période correspond également à une remise en cause de certains acquis antérieurs. Lorsque l’équilibre interne de l’enfant n’a pas lieu, le conflit émergeant aboutit pour beaucoup d’élèves à une crise d’adolescence qui se manifeste par exemple, par le repli de soi ou des comportements exubérants. A ce titre, les adolescents s’expriment de différentes formes. Avec le corps : scarifications, troubles du comportement alimentaire, tenues hyper-sexualisées, tentative de suicide. Ces expressions permettent à l’adolescent de faire face aux bouleversements liés à la puberté ; elles participent à la construction identitaire de l’enfant. Toutefois, elles peuvent signifier un mal- être qui peut se répercuter sur le plan scolaire par des attitudes déviantes : incivismes, insultes, violences, absentéisme, etc., ouvrant, ainsi la porte aux processus du décrochage de l’intérieur. C’est pourquoi et compte tenu que nous avons face à nous des jeunes aux choix et aux personnalités encore mal définis, un accompagnement et un suivi individualisé par les acteurs de la communauté éducative concernés pourraient remobiliser les élèves situés à la marge du système scolaire. A ce titre, par exemple, Potvin et al. (2006) rapportent que la présence d’un enseignant disponible et bienveillant améliore l’adaptation de l’apprenant par rapport aux enjeux scolaires. Il soulève qu’une bonne relation enseignant-élève peut se révéler un levier de protection contre le risque de décrochage.

L’école par son organisation et sa gestion a un impact sur les performances scolaires des élèves. Sans exclure bien sûr la part individuelle de l’élève, l’influence de l’environnement scolaire sur la réussite (Janosz et al., 1998) : «  suggèrent que l’école, en tant que milieu de vie, reste l’un des principaux déterminants de la persévérance scolaire ».

Rumberger (1995) la qualité de l’environnement scolaire serait davantage déterminante pour les élèves à risque qui sont peu soutenus dans leurs efforts de scolarisation ; bref, le cadre scolaire exerce une influence importante sur les élèves vulnérables.

Les études longitudinales sur le fonctionnement familial montrent que les enfants dans les familles où les parents qui valorisent peu l’école et s’impliquent peu dans l’encadrement scolaire de leur enfant ont plus de risques de décrocher (CTREQ, 2002).

[1] H. Danon-Boileau (2002), Les études et l’échec, Payot, Sciences De L’homme, p. 256

 

Exercice d’application

Quels éléments significatifs sont associés au décrochage scolaire et pourquoi ?

 

Concernant Les conséquences possibles Janosz (2000) rapporte que les adolescents qui ont interrompu leurs études ont plus de risques d’éprouver des problèmes d’ordre social, économique et sanitaire.

IncidenceDecrochage2

(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Exercice d’application

Pourquoi le décrochage interpelle-t-il les pouvoirs publics et la société ?

 

Types de décrocheurs potentiels et interventions optimales

Le tableau ci-dessous nous invite à intervenir sur les deux volets : fournir une aide en fonction du profil de l’élève à risque, et mettre en place une organisation et un fonctionnement scolaires qui permettent à l’élève d’avoir de bonnes conditions de travail ainsi qu’un cadre de vie qui lui permette de vivre une expérience positive à l’école.

Types
Caractéristiques
Interventions optimales
Discrets (40%)Profil comparable aux futurs diplômés : aiment l’école et s’y disent engagés. Par contre, ils présentent un rendement scolaire un peu faible et proviennent de milieux socioéconomiques plus défavorisés.Interventions centrées autour de supports pédagogiques visant à accroitre leurs perfomances scolaires : aide aux devoirs, tutorat, enseignement individualisé, variation dans les styles pédagogiques, pédagogie de coopération, etc. Ce type présente le meilleur pronostic.
Inadaptés (40%)Profil scolaire et psychosocial négatif : échecs scolaires, problèmes de comportements, délinquance, milieu familial difficile, etc…Seules des stratégies intensives et multidimensionnelles peuvent procurer le support psychosocial nécessaire en plus des interventions visant à favoriser la réussite scolaire.
Désengagés (+/- 10%)Jeunes sans problèmes de comportement, qui réussissent dans la moyenne malgré le fait qu’ils soient très désengagés face à leur scolarisation.Candidats idéaux pour les projets visant à accroître la motivation. On manque encore de connaissances sur les processus qui ont affecté leur niveau d’engagement : l’intervention ne peut être qu’approximative.
Sous-performants (+/- 10%)Jeunes désengagés face à l’école et en situation d’échec, mais sans problèmes de comportement. Des problèmes d’apprentissage dominent leur expérience scolaire.Une évaluation et une intervention individuelles en profondeur sont nécessaires pour espérer accroitre l’engagement et le succès. Le dépistage rapide est particulièrement important avec eux. Ce type présente le pronostic le plus sombre.
Janosz (1986) cité par Erudit, revue des sciences de l’éducation, v.31 n°3, 2005, p. 687-707

 

Profils des décrocheurs :

  • plus de la moitié des jeunes en situation de décrochage sont issus du lycée professionnel.
  • globalement, les garçons sont plus nombreux que les filles parmi les décrocheurs, sauf pour le lycée général et technologique.
  • les élèves âgés de 16 ans sont les plus vulnérables

RepartitionDecrocheurs

(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Exercice d’application

En quoi bien discerner les types de décrocheurs potentiels et permet de mieux prévenir et traiter le décrochage de l’intérieur ?

Compétence visée par cet exercice : savoir identifier quelques typologies d’élève décrocheurs et les dimensions à risque afin de planifier des interventions plus efficaces et appropriées.

Les facteurs clés de succès d’une politique de prévention et d’intervention

Parmi les principales variables on citera l’effet-classe : gestion du temps d’instruction ou du temps d’apprentissage (OTL) ; la gestion de l’espace tel que le groupement des élèves ; la gestion des relations entre les élèves lors de l’apprentissage coopératif, etc.

A cela s’ajoute l’effet-enseignant : entretenir, notamment, de bonne relation enseignant-élève par des pratiques pédagogiques qui favorisent l’engagement de l’élève, contribue à développer chez celui-ci un sentiment de confiance et d’estime de soi qui sont des facteurs déterminants de la réussite éducative.

De même, si toute la communauté éducative participe au bon climat scolaire alors, selon  Astor et Benbenishty (2005) ce climat positif augmenterait les résultats scolaires des élèves à risque et aurait une influence importante sur leurs capacités d’apprendre, indépendamment des facteurs socio-économiques initiaux.

Enfin, l’approche globale de l’élève prise essentiellement par la vie scolaire nécessite des actions à caractère pluri-professionnel et à fortiori pluri-partenarial pour une prise en charge du phénomène dans sa globalité. L’idée, faire intervenir  les acteurs concernés à différents temps et espace de façon à prendre en continu l’élève qui est en situation de décrochage scolaire. Néanmoins le tout doit être coordonné par un référent ou un responsable, pour éviter que les solutions soient vues comme des dispositifs empilés plus que des dispositifs cohérents et ciblés vers l’élève à risque de décrochage. A ce titre le CPE (conseiller principal d’éducation) de par ses fonctions, est aux carrefours des interactions entre les différentes composantes de l’établissement et est le conseiller de la communauté éducative. Il est ainsi, un partenaire de tout premier plan pour coordonner le tout.

Exercice d’application

Quels sont les facteurs majeurs qui contribuent à lutter contre le décrochage scolaire ?

Compétence visée par l’exercice: savoir identifier les déterminants favorables qui sont susceptibles de réduire le décrochage.

 

Conclusion

Le décrochage scolaire est un processus résultant de l’interaction de plusieurs facteurs, ce qui rend cette notion complexe à définir et à traiter. La complexité de ce phénomène social décrit une réalité à laquelle est confronté le système éducatif actuel. En effet, ce phénomène est estimé par l’INSEE à 12,8% la proportion de jeune français de 18 à 24 ans sortis de l’école sans avoir obtenu de qualification minimum.

Deux pistes complémentaires, entre elles, sont envisagées pour prévenir et réduire le décrochage scolaire. La première voie préventive passe par la mise en place d’une organisation et d’un fonctionnement de l’école favorisant un cadre de travail et un cadre de vie orienté vers le bien-être de l’élève qui est un préalable de la réussite éducative. La deuxième voie de traitement, consiste à repérer adéquatement les élèves qui présentent des risques de décrochage et à leur proposer un accompagnement individualisé, adapté à leur profil spécifique. Toutefois, pour une prise en charge globale du phénomène du décrochage scolaire, les actions menées par les différents corps de métiers doivent s’articuler autour d’un partenariat guidé par un responsable ou un référent. L’objectif est d’éviter d’avoir des dispositifs qui s’empilent et pouvoir ainsi, offrir des solutions cohérentes et globales.

Si ces deux voies peuvent accroître de façon significative la persévérance et la réussite éducative de l’élève à risque de décrochage, il ne s’agit pas pour autant de vouloir tout expliquer par les composantes internes de l’établissement. L’influence des caractéristiques propres de l’élève, son implication et l’association de la famille de l’élève à risque de décrochage sont des variables à prendre aussi en considération ce qui pose la question de l’entretien, outil indispensable de communication et d’interaction à maîtriser par les divers acteurs du système scolaire.

 

Pour aller plus loin

http://www.education.gouv.fr/cid28356/mene0900412j.html

http://www.erudit.org/revue/rse/2005/v31/n3/013915ar.html#ta1

http://www.ctreq.qc.ca/realisation/logiciel-de-depistage-du-decrochage-scolaire-ldds/

https://www.youtube.com/watch?v=2Jc4hLYRcaY     

http://www.ac-caen.fr/qualit/ressources/Esterle_hedibel_absent%C3%A9isme_descolarisation_DS_les_apports_des_recherches_r%C3%A9centes.pdf

J. Chaupin, P. Meirieu (2013), Echec scolaire, la grande peur, Décrochage, prévenir, aider, accompagner, Autrement, p.160

 

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